La montagne de la stupidité
Si nous pouvons nous pardonner nos propres erreurs c’est parfois difficile de l’accepter pour les autres. Nous avons tous croisé un collaborateur pas très efficace mais très sûr de lui.
C'est un biais cognitif, une incapacité à s’autoévaluer avec justesse.
Messieurs DUNNING et KRUGER* ont étudié cette question de la « sur-confiance » appelé maintenant « effet Dunning-Kruger » sur la base d’un fait divers de 1995 : le braquage de deux banques par un certain Mc Arthur Wheeler, en plein jour et à visage découvert mais recouvert de jus de citron… Le voleur pensait qu’à l’image des caméras de surveillance, le jus de citron le rendrait invisible ! Comme l’encre sympathique, si ça marche sur du papier, ça marche sur moi !
C’est ce phénomène qui nous amène à penser que nous en savons assez pour agir … à surestimer nos compétences … et c’est heureux ! Sinon nous ne tenterions jamais d’expériences nouvelles, nous n’apprendrions plus rien. Tout comme nous l’avons vu dans le « Cycle de croissance des compétences », nous acquérons des connaissances sur un sujet à force d’expériences. Ces expériences, quand elles sont positives nous amènent à en déduire que nous savons faire … Mais nous manquons parfois de recul sur tout ce que nous ne savons pas encore … mais comment le savoir ? Un seul moyen E.E.C. : Essai – Erreur – Correction !
Nous arrivons dans une nouvelle fonction comme junior, même si nous avons ailleurs de l’expérience, et nous écoutons celui qui nous guide (Phase a. du schéma) – nous sommes en symbiose avec notre mentor.
Puis quand nous croyons en savoir assez, c’est la « rebellitude » : je veux faire mon expérience tout seul, me prouver et prouver aux autres que je sais faire : je ne rends plus compte, je tente des choses sans prévenir mon mentor … et faire parfois une « grosse bêtise », je grimpe ma montagne de stupidité.
De là, deux réactions possibles :
- Le dénie : ce n’est pas une erreur, c’est de la faute aux autres, aux circonstances, à mon passé … bref je suis victime des événements … je minimise l’expertise des autres …. et je vais reproduire souvent les mêmes erreurs … rester bloqué sur ma montagne !
- La prise de conscience : c’est une erreur, pas une faute, qu’est-ce que je n’ai pas vu, pas compris, avant de me lancer dans l’action, ou pas su faire une fois lancé … ? E.E.C. !
(b). C’est la descente aux enfers ! Je constate la faible étendue de mes connaissances … cela peut être un peu déprimant ! C’est là que l’on a besoin de soutien, pour dépasser ce moment compliqué pour son égo ou pour rectifier la « mauvaise image » que l’on peut avoir donné à ses collègues.
Puis tout doucement, par des constats plus réalistes, l’on va réaffirmer ses compétences par l’expérience … jusqu’au plateau (c.) … jusqu’au maximum d’incompétence ...
Mais c’est un autre sujet 😉
* Justin Kruger et David Dunning, « Unskilled and Unaware of It: How Difficulties in Recognizing One's Own Incompetence Lead to Inflated Self-Assessments », Journal of Personality and Social Psychology, vol. 77, no 6, décembre 1999, p. 1121–34 (PMID 10626367, lire en ligne [archive]).