Comprendre le stress

Comprendre le stress pour mieux l’éviter


Tout comme les compétences le stress se décline de manière individuelle et collective. Ses sources, son évolution et ses conséquences sont autant l’affaire de chacun que l’affaire de tous – nous en recevons, nous en créons, nous relayons ... ou pas … dans un ballet incessant entre ce que j’apporte au groupe et ce qu’il m’apporte.
Tout comme le conflit, le stress est un phénomène naturel. Il est même vital ! L’Homme ne peut vivre sans !

 

Le stress est nécessaire à notre survie !


Le stress est d’abord un phénomène biologique naturel. C’est la réaction de notre organisme pour mobiliser nos forces contre un danger. Lorsque je perçois un changement dans mon environnement, je me mets aux aguets pour évaluer s’il y a danger pour moi et … éventuellement résister ou fuir.
Ainsi le stress est un des facteurs qui expliquent la capacité de l’humanité à s’adapter à des milieux et des époques très changeants. Darwin nous l’a expliqué depuis fort longtemps : les espèces dominantes sont celles qui s’adaptent aux changements et celles qui évoluent trop lentement disparaissent.
Et nos organisations du travail ne disent rien d’autre : la compétition est partout, il faut être toujours meilleur, s’améliorer, se challenger soi-même ou face au marché … être flexible … bref nous répétons le même message que Darwin, adaptes toi ou tu disparaitras !
Que le facteur déclencheur du stress vienne me frapper individuellement ou qu’il arrive à travers le groupe dans lequel je travaille, il provoque des réactions très concrètes : la production de cortisol et de testostérone, sortes de boosters de l’attention et de l’agressivité pour les muscles comme pour le cerveau.


Le bon stress et le mauvais stress n’existent pas !


C’est encore un phénomène naturel, il n’y a pas de bon ni de mauvais stress, il y a juste du stress ! Par contre la quantité et le temps pendant lequel nous sommes en hypervigilance est très important, et joue sur la capacité à « encaisser » un nouvel événement stressant :
- soit cela va me rendre plus efficace, plus rapide, plus pertinent le temps de relever mon défi du moment,
- soit ce sera la goutte d’eau qui fera déborder mon vase et m’écrouler d’impuissance devant un événement même mineur, mais un de trop.

Nous avons tous une limite interne de résistance au stress. Passer cette limite, c’est le « burn-out », l’épuisement professionnel. Cette résistance personnelle dépend de trois facteurs :
- la psychologie de chacun, son vécu, sa capacité de recul face aux événements ;
- la quantité d’événements stressants qui auront été vécus précédemment (le vase est-il déjà plein ?) ;
- les soutiens et la visibilité de solutions.
En effet, si vous rencontrez une difficulté, le stress arrive … « Comment vais-je y faire face ?» … mais si vous voyez des solutions, le stress disparait. Si vous ne voyez que des difficultés, des ennuis à venir et pas de solutions, le stress progresse très vite.

D’où l’importance des soutiens sous toutes leurs formes : amis, famille, collègues, délégués du personnel, hiérarchie. Simplement quelqu’un qui puisse nous écouter ou encore mieux nous aider à trouver des solutions … pour ne plus tourner en rond devant l’angoisse d’une situation d’échec.
Le stress au travail … l’entreprise est une personnalité …
Dans un groupe au travail, ce phénomène vient bien sûr appeler non seulement les collègues, les collaborateurs et la hiérarchie mais aussi la personne morale qu’est l’entreprise.
Cet acteur supplémentaire peut être aussi bien un facteur de soutien qu’un facteur de risque.

Dans une situation de stress, l’entreprise représente en même temps un poids supplémentaire à travers toutes les solutions qu’elle interdit au salarié (avec au premier rang l’interdiction de fuir une situation inconfortable, d’envoyer promener ses interlocuteurs, … ) et un facteur de stabilité, de facilitation – cette structure qui va m’aider, me soutenir, sur qui je peux compter. Ainsi, les entreprises qui changent très régulièrement leur process, objectifs, produisent des plans de crise, … renforcent la crainte d’un avenir toujours plus imprévisible et exigeant, perdant leur statut d’entreprise « rassurante ».

Le stress au travail vise une situation spécifique : la rencontre des exigences de deux personnes, chacune avec ses compétences et ses lacunes, ses points d’excellence et de faiblesse. Ces deux personnes ne sont pas deux salariés mais chaque salarié et son entreprise.
Le salarié devant sa tâche rencontre des difficultés : techniques, relationnelles, de conception … Bien évidemment, plus le niveau d’exigence de l’entreprise est élevé, plus le stress sera grand pour un salarié qui se sent dépassé. Si je ne ressens pas de difficultés, pas de stress bien sûr, il s’agit juste d’une situation « normale » de travail.

 

La palette d’action du manager


Les possibilités d’action sont nombreuses. Il est possible d’agir tant au niveau du ressenti individuel qu’au niveau des facteurs qui déclenchent les montées de stress dans l’entreprise :
Au plan collectif : renforcer les liens et échanges
- Les situations de travail : ce qui déclenche le stress est avant tout le sentiment d’impuissance face à la tâche, que ce soit seul face à son ordinateur ou face à une équipe à animer. Il faut donc rendre visible tous les moyens que peut utiliser le salarié pour inventer « sa solution ». Références techniques, guides, collègues … Cela existe peut-être déjà mais le salarié ne le voit pas comme tel.
Evidemment chacun peut aller voir son chef pour lui dire qu’il ne s’en sort pas … qu’il ne sait pas par où commencer … Et on se demande pourquoi « la porte du bureau est grande ouverte mais personne ne la pousse jamais ! ». C’est souvent difficile de venir expliquer à celui qui va vous évaluer, voir vous augmenter, l’étendue de sa propre incompétence.


Il faut donc trouver d’autres voies : parler du travail avec ses pairs. La seule alternative possible est de pouvoir échanger avec des salariés exerçant le même métier, développant du même coup la solidarité.
- Le contexte de travail : favoriser les solidarités et soutiens de tous ordre. Il s’agit de toutes les actions qui vont faciliter l’émergence de cohésion entre les salariés à l’heure où l’individualisme progresse rapidement. Au-delà du besoin d’échanger sur son métier, il va s’agir plutôt de permettre la vie sociale et la convivialité. Cela concerne tant l’aménagement des espaces collectifs que des horaires de travail, de pause …
- La charge de travail : le bourreau de travail n’est pas le meilleur modèle de cohésion d’équipe. Souvent épuisé et peu disponible, il peut même être dans une situation symptomatique d’auto-accélération qui annonce un burn-out prochain ! 
S’il ne s’agit pas de décourager la motivation, il faut pourtant veiller à ce que chacun ne perde pas ses repères sociaux et professionnels à courir des résultats toujours plus grands.
- L’image de l’entreprise : comme pour les soutiens, si le salarié à confiance en l’avenir de son entreprise, si les modes de travail, les process sont relativement stables, les résistances personnelles et collectives au stress s’en verront améliorées ;
- La bonne humeur, l'entente autour du travail : il ne s'agit pas seulement d'organiser des apéros mais de mettre les salariés en situation ludique de résoudre collectivement des énigmes -comme au travail mais dans un autre univers), restauration de la bonne humeur et de la cohésion d'équipe garantie ! 


Au plan individuel : renforcer la capacité de résistance de chacun
- Les compétences : puisque l’impuissance face à la tâche est le premier facteur de stress il faudra s’attacher à éviter qu’un salarié se retrouve devant une tâche qu’il juge immense sans solution visible :
o Les pics d’activité – comment y faire face au-delà de tel seuil, qu’avons-nous prévu collectivement ?
o Les dossiers complexes : si challenger quelqu’un peut être un moteur de motivation, un but semblant impossible à atteindre produit l’effet inverse. Prenez le temps avec votre collaborateur pour définir avec lui clairement ses zones d’initiatives et ses recours en cas de difficulté.
Attention cependant aux dispositifs qui invitent les collaborateurs à définir eux-mêmes leurs objectifs. Cela a un effet booster lors de sa mise en place car il restaure un sentiment d’autonomie cependant il instille le doute sur la capcité du dirigeant à diriger !
Enfin si la formation professionnelle vient épauler un de vos collaborateurs, veillez à ce que celle-ci soit dispensée d’après les supports techniques de l’entreprise –condition sine qua none pour un réinvestissement direct au travail – utiliser un savoir théorique pour l’adapter à sa situation personnelle et quotidienne de travail ne va pas de soi.
o Le management : adapter son style à son équipe - être directif quand l’équipe est peu mature (peu motivée et peu compétente) et participative, laissant beaucoup d’autonomie quand les collaborateurs sont motivés et compétents ;

- La psychologie de chacun : si le rôle du manager n’est pas d’être le psy de ses collaborateurs et ne peut prévoir les réactions individuelles dans telle ou telle situation, il peut veiller à ce que chacun renforce sa résistance personnelle. (**)
o Après l’effort, le réconfort : aucun organisme vivant ne peut s’activer à la limite de ses capacités sans avoir de repos après l’effort pour récupérer, physiquement et mentalement. Aménagez l’organisation afin que des phases de décompression soient possibles après un pic d’activité.
o Le sentiment d’appartenance au « groupe métier » : la reconnaissance de l’effort par la hiérarchie, même purement symbolique est essentielle – même s’il s’agit de « son travail normal » de votre point de vue, la reconnaissance par la hiérarchie et les collègues du « bon travail » est la condition pour relever plus tard un autre défi.
o Hygiène personnelle : les entreprises ont toutes libertés pour accompagner leurs collaborateurs dans leur recherche d’amélioration de leur fonctionnement personnel. Les possibilités sont nombreuses :
 Stages de gestion du temps : apprendre à gérer ses priorités
 Stages de gestion du stress : apprendre à gérer les personnalités/situations difficiles
 Stages de développement personnel : apprendre à restaurer son ego.
 …


Comme toujours, ces éléments de compréhension et de méthodes ne font pas un plan d’action. Chaque structure a ses spécificités, son histoire, qui pèsent lourd dans les ressentis et les capacités futures des collaborateurs. Il n’est donc pas recommandé d’agir par « petites touches » mais de regarder l’ensemble de la problématique stress dans l’entreprise avant de définir sa stratégie d’action.

 

Yves TEILLAC


Coach LINK


yves.teillac@hotmail .com


(*) d’ailleurs savoir résister au stress n’est-il pas une compétence, un savoir-faire, une habileté ?
(**) Attention au « ticket psy » : ces solutions de renforcement personnel n’ont pas de sens si elles ne s’accompagnent pas de démarches collectives.